Narrative Designer, Auteur, Scénariste
Dans un flot de cultures
Le sas du vaisseau cargo qui vous transportait s'ouvrent. S'offre à vous du bleu à perte de vue qui, une fois atteint l'horizon, se fond avec le ciel. L'océan qui s'étend est fait d'azur à travers lequel des centaines de créatures marines nagent seules ou en bancs.
Au loin, un île. Sur cette île, des Méümes. Il y a quelques années, les Humains et eux étaient en guerre. Quel avenir bâtirez-vous avec cette culture si éloignée de la technocratie humaine ?
Monument de la BD française, dont la saga cinématographique Avatar s'inspirera énormément, Aquablue vous emmène sur une planète aquatique où autochtones et nature ne font qu'un.
Sur fond de questionnements écologiques et ethnologiques, Aquablue est tout autant un aventure qu'un plaidoyer pour notre Terre.

Illustration par Reno.
Une écriture socio-ethnologique
J'ai eu l'occasion de signer un scénario pour l'adaptation en jeu de rôle d'Aquablue. Nommé Les Notes de la Discorde, il a été publié dans Jeu de Rôle Magazine (n°55).
Les Notes de la Discorde
Au cours d’une fête interculturelle, une relique d'un courant religieux humain, les adamites, est volée par des Méümes hostiles aux Terriens. Leur objectif : scinder les deux peuples pour que les adamites partent de leur archipel.
Entretemps, un adamite tente d’envoyer une télécommunication pour contrevenir aux agissements pacifiques de la Fondation Aquablue. Involontairement, ce dernier va provoquer une catastrophe qui incendie et détruit le quartier des terriens.
Ce scénario a été un défi de taille. L'idée était de mettre en scène des notions que j'avais pu étudier au cours de mon cursus de sociologie, à savoir le conflit social et culturel.
Ça a été l'occasion pour moi de me replonger dans mes cours et d'en tirer des notions abordables pour une histoire tout public. Si au départ le conflit m'apparaissait comme mettant en jeu une notion - le conflit interculturel - j'ai rapidement vu que beaucoup d'autres choses allaient s'y ajouter.
La religion s'est avérée être un parfait vecteur de conflit. Dans l'univers d'Aquablue il existe un courant religieux appelé les Fils d'Adam (ou adamites), une secte catholique apocalyptique. En d'autres termes, ils paraissaient être les parfaits responsables d'une discorde. Là où j'ai tenté de prendre à contre-pied les joueurs, était de créer un groupe d'antagoniste chez les Méümes.
Comme le jeu dépeint les humains comme généralement "méchants" et les autochtones comme "gentils", cela apportait une nuance intéressante à l'univers.

Pour ainsi dire, il selon moi primordial de proposer de la nuance dans les histoires et surtout les univers que l'on créé. C'est cette nuance qui permet à un monde d'être organique, intéressant, vivant.
À l'instar du Seigneur des Anneaux qui peut se voir comme étant manichéen, il est, dans une lecture plus approfondie, rempli de nuances. Ce qui s'apparente au mal n'est pas forcément méchant par nature, et vice versa pour ce qui est bien.
Un parfait exemple réside dans la race des Araignées qui peuple la Terre du Milieu. Si en premier lieu nous associons ces créatures comme étant des séides du Mal, en réalité elles ne le servent pas plus que ça. Elles s'inscrivent seulement dans un écosystème où elles font partie du sommet de la chaîne alimentaire.
Pour autant, l'imaginaire collectif de l'araignée couplé à la manière dont elles sont représentées dans les œuvres mainstream, nous pousse à les voir d'une certaine façon. Et donc d'avoir un avis tranché sur la question. Celui qui raconte fait penser ce qu'il désire à son public.
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Autre exemple avec la race des Ent. Si le récit les dépeint comme des héros ayant défait Saroumane, il ne faut pas oublier que jusqu'à être personnellement menacés, ils ne se préoccupait pas de l'Ombre et de ses agissements. Est-ce que cela fait d'eux des créatures du Bien ?
Oui. Car ils sont montrés en victime puis en héros.
Mais dans les faits, nous pourrions les considérer comme étant égoïstes, sans pousser plus loin la réflexion (chose que nous ne ferons pas ici !).
Encore une fois, la manière dont les choses sont mises en scène influe sur notre représentation de cette même chose. Nuancer le propos permet de rendre autrement vivant un univers.